Sans le « reset » que permet le sommeil, le cerveau devient hyperconnecté et saturé
Une étude, publiée dans la prestigieuse revue Nature Communications, jette un nouvel éclairage sur la raison pour laquelle nous avons besoin de sommeil.
Elle montre, pour la première fois, disent les chercheurs, que le sommeil réinitialise l'accumulation constante de connectivité dans le cortex cérébral pendant les heures éveillées.
La privation d'une nuit de sommeil bloque ce mécanisme de réinitialisation. Privés de repos, les neurones deviennent hyperconnectés et l'activité électrique devient si confuse que de nouveaux souvenirs ne peuvent pas être correctement fixés.
Cette étude montre que le sommeil est un processus très actif, nécessaire à la bonne santé du cerveau , souligne Christoph Nissen, psychiatre qui a dirigé l'étude à l'Université de Fribourg.
Ces résultats confortent l'hypothèse dite de l'« homéostasie synaptique du sommeil », développée par des chercheurs de l'Université de Wisconsin-Madison en 2003.
L'hypothèse stipule que lorsque nous sommes éveillés, les synapses qui forment les connexions entre les cellules nerveuses se renforcent de plus en plus à mesure que nous traitons de l'information et peuvent éventuellement saturer le cerveau. Le processus exige beaucoup d'énergie, mais le sommeil permet de diminuer l'activité cérébrale, de consolider les souvenirs, et d'être prêt à repartir le lendemain.
Nissen et ses collègues décrivent une série de tests auxquels ont participé 20 personnes, âgées de 19 à 25 ans, après une bonne nuit de sommeil ou après une nuit sans sommeil.
Dans la première série d'expériences, ils ont utilisé des impulsions magnétiques pour activer des neurones provoquant le mouvement d'un muscle de la main gauche. Avec la privation de sommeil, des impulsions beaucoup plus faibles étaient suffisantes pour provoquer le mouvement. Ce qui signifie que le cerveau était dans un état plus excitable, leurs neurones étant plus fortement connectés qu'après une bonne nuit de sommeil.
Ils ont ensuite utilisé une autre forme de stimulation pour imiter l'activation des neurones quand les souvenirs sont encodés. Il était plus difficile d'obtenir une réponse des neurones avec la privation de sommeil, ce qui est un signe que le processus d'encodage des souvenirs était entravé par le manque de sommeil.
Des échantillons de sang ont montré que la privation de sommeil réduit les niveaux d'une molécule appelée « facteur neurotrophique dérivé du cerveau » qui régule les connexions synaptiques.
Giulio Tononi, professeur de médecine du sommeil à l'Université de Wisconsin-Madison qui a proposé l'hypothèse de l'homéostasie synaptique du sommeil en 2003, juge cette nouvelle étude « vraiment élégante et puissante », rapporte The Guardian.
« Le sommeil est essentiel, et une des raisons principales est qu'il permet au cerveau d'apprendre de nouvelles choses tous les jours, tout en préservant et en consolidant les vieux souvenirs », dit-il. « L'apprentissage et la mémoire nécessitent une forte activité synaptique, ce qui est très coûteux énergiquement et sujet à saturation. Le sommeil permet au cerveau de renormaliser cette activité synaptique après qu'elle ait augmenté durant la journée d'éveil. »